retour au menu d'histoire
retour à V. Shoelcher    1848, l'abolition de l'esclavage 
 
 


        En 1848, le ministre de la marine et des colonies, Arago, n'envisage pas une abolition immédiate de l'esclavage. Il veut attendre que la nouvelle constitution soit votée. En attendant, il fait de vagues promesses. V. Schoelcher va le pousser dans la voie d'une action rapide. Le 3 mars, ils se rencontrent : 
     

      "Dans un entretien que nous eûmes ensemble ce même jour (le 3 mars), M. Schoelcher me prouva qu'il fallait absolument revenir à l'idée de l'émancipation immédiate ...Les arguments de M. Schoelcher portèrent une entière conviction dans mon esprit, et je résolus de présenter à mes collègues un décret d'émancipation immédiate."


     

     

         Schoelcher est nommé sous-secrétaire d'Etat, et en tant que président de la commission chargé de rédiger le décret, il va mener le bal et remporter la victoire. 

    lettre d'Arago investissant V. Schoelcher
    Ministère de la marine et des colonies
    4 mars 1848

    Je délègue au citoyen Victor Schoelcher, tous mes pouvoirs pour régler l'affaire des colonies et de l'émancipation sauf à en référer à moi.

    Arago


    1) trois problèmes se présentaient : 
     

      __Les nouveaux libres pourraient-ils voter ? 

          La plus grande partie des membres de la commission chargée de l'abolition sont contre. Ils pensent que les Noirs ne sont pas prêts. Schoelcher est pour et l'emporte : 
       

        "Le gouvernement provisoire a été parfaitement logique lorsqu'il appela au suffrage universel les esclaves qu'il affranchissait. En rendant les nègres à la liberté, on ne pouvait leur marchander le droit, on ne pouvait en faire des demi-citoyens, des quarts de citoyen ... Les colonies ne pouvaient être privées du suffrage universel sans lequel il n'y a pas de République"

       

      __Comment faire en sorte que les nouveaux libres continuent de travailler ?  

          La majorité des membres de la commission sont pour contraindre les nouveaux libres à continuer de travailler sur les plantations. Là encore, Schoelcher est contre et impose ses vues : 
       

        "Le travail perdra-t-il des bras ? Sans aucun doute, au premier jour de l'émancipation, les nègres voudront se sentir vraiment libres, en laissant la houe, symbole de la servitude. Mais il n'est pas moins permis de croire qu'après ce premier moment donné au repos ils reviendront au travail, désormais affranchi de la contrainte et du fouet, régénéré par la liberté, transformé par une juste rémunération en une source de bien-être ... Seulement, s'ils ont eu à souffrir de la conduite du maître, s'ils trouvent en d'autres lieux plus d'avantages, un sol plus fertile, un plus heureux climat, il est probable qu'ils s'y rendront de préférence : c'est naturel et c'est juste." 

       

      __Comment calculer l'indemnité versée aux colons ? 

          Schoelcher sait bien qu'il n'a pas le choix. Il faudra une indemnité. Mais il ne veut pas qu'elle soit payée aux colons blancs, au titre du droit de propriété, car le droit naturel empêche qui que ce soit de posséder quelqu'un. Schoelcher voudrait que l'indemnité soit versée aux esclaves pour les dédommager, mais il sait que cela n'est pas possible. Alors pour que tout le monde s'y retrouve, l'indemnité serait versée aux colonies. C'est l'Assemblée qui décidera. 
       

        "Dans le régime de l'esclavage, il y a le maître qui possède et l'esclave qui est possédé ; et si la France doit une indemnité pour cet état social qu'elle a toléré et qu'elle supprime, elle la doit bien sans doute à ceux qui ont souffert autant qu'à ceux qui en ont profité. Le dédommagement ne peut pas être donné à la propriété exclusivement ; il doit être assuré à la colonie toute entière, afin de tourner en même temps au profit et du propriétaire et du travailleur."  

       

      2) le décret d'abolition de l'esclavage 27 avril 1848

          Par ce décret, l'esclavage est aboli. Mais V. Schoelcher fait aller les choses encore plus loin. Si un Français se rend coupable de ce crime, il perd sa qualité de citoyen (article 7). Et par l'article 6, les colonies vont pouvoir jouer le même rôle politique que n'importe quel département français. 



              Le Gouvernement provisoire,

          Considérant que l'esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; qu'en détruisant le libre arbitre de l'homme, il supprime le principe naturel du droit et du devoir ; qu'il est une violation flagrante du dogme républicain : Liberté, Egalité, Fraternité...

      Décrète :

      article 1er :

      L'esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, ... A partir de la promulgation du présent décret dans les colonies, tout châtiment corporel, toute vente de personnes non libres, seront absolument interdits.
      ...

      article 6

      Les colonies, purifiées de la servitude, et les possessions de l'Inde seront représentées à l'Assemblée nationale.

      article 7

      Le principe que le sol de la France affranchit l'esclave qui le touche est appliqué aux colonies et possessions de la République.